La société Revinax va filmer des techniques opératoires en conditions réelles où le chirurgien sera également le caméraman. Une nouvelle méthode immersive d’apprentissage pour les étudiants, qui, équipés d’un casque de réalité virtuelle, pourront ensuite visualiser ces interventions.
Le projet est un peu « fou ». Maxime Ros le reconnaît lui-même. Ce neurochirurgien, ancien chef de clinique au CHU de Montpellier, coprésident de Revinax (une société spécialisée dans les technologies de réalité virtuelle qu’il a créée en 2015), s’est mis en tête de filmer en conditions réelles les vingt techniques opératoires à connaître dans chaque spécialité. Le tout à destination des internes en chirurgie. Faites le compte : il y a treize spécialités chirurgicales, ce qui fait plus de deux cent cinquante tutoriels à tourner. Un casque de réalité virtuelle permettra ensuite de visualiser ces images.
Le dispositif de captation numérique, destiné à des tutoriels pour les chirurgiens développé par la société Revinax
SYLVAIN TEISSIER/REVINAX
Pourquoi diable ce médecin qui aurait pu faire une carrière universitaire s’est-il tourné vers l’entrepreneuriat ? Remontons à 2012. Cette année-là, Maxime Ros termine son internat de neurochirurgie à Toulouse. Mais aucun poste de chef de clinique n’est disponible. Le jeune chirurgien entame alors une sorte de « tour de France du compagnonnage » qui le mène de l’hôpital de la Timone Enfants, à Marseille, au groupe hospitalier Pellegrin, à Bordeaux, en passant par l’hôpital Necker-Enfants malades, à Paris et, enfin, au CHU de Montpellier, où un poste de chef de clinique en neurochirurgie lui est proposé.
«Pendant mon compagnonnage, cela peut paraître étonnant, mais j’ai souvent assisté le chirurgien expert dans sa spécialité lors de sa dernière opération chirurgicale avant son départ à la retraite. J’étais témoin de ce moment où il a une maîtrise absolue du geste, se souvient-il. Mais comment enregistrer les moindres détails ? Comment faire pour vous rapprocher le plus possible de cette perfection alors que l’angle de vue ne correspond pas à celui de l’acteur principal?» La question de la transmission par l’archivage des bons gestes commence à lui trotter dans la tête.
L’idée est de placer l’interne dans le même axe que le chirurgien qui opère et non plus, comme de façon classique, à ses côtés, ou en face. Pour ce faire, rien de mieux, selon lui, que de filmer exactement ce que voit ce dernier. Ce sera lui le cameraman. «Même si l’interne ne fait pas les gestes, le cerveau enregistre l’opération grâce à l’activation des neurones miroirs, des cellules du cerveau qui s’activent lorsqu’on réalise une action mais également lorsqu’on voit quelqu’un réaliser une action», explique Maxime Ros. Le praticien est équipé d’un harnais, surmonté d’un bras partant du dos et venant au-dessus de la tête, maintenant un système de stabilisation sur lequel sont fixées deux caméras qui filment en 3D et à 180 degrés. Les vidéos provenant des deux caméras sont synchronisées et assemblées côte à côte pour obtenir un film stéréoscopique. Le film est alors édité, découpé en chapitres en fonction des différentes étapes opératoires et agrémentés de données supplémentaires: coupes d’imageries médicales, objet anatomique en trois dimensions.
Test pilote pour tout caler
Pour tourner ces vidéos, Revinax utilisera la technologie SimLife de la société Simedys. Cette start-up issue des recherches du laboratoire d’anatomie biomécanique et simulation de la faculté de médecine de Poitiers permet de redonner un semblant de vie à un corps frais provenant du don du corps à la science. Grâce à son procédé, le corps est reventilé – les poumons se gonflent, entraînant le mouvement des autres organes –, et revascularisé grâce à des pompes branchées sur les artères et les veines, un liquide qui a la même couleur et les mêmes composantes biomécaniques que le sang circule alors dans les vaisseaux. Une première série d’opérations devrait démarrer au printemps au laboratoire d’anatomie de la Côte d’Azur, à Nice. Il s’agira de filmer les procédures dites «de damage control chirurgical», soit l’ensemble du processus chirurgical adapté à la prise en charge des traumatisés sévères hémorragiques que tout chirurgien doit connaître. «C’est un bon test pilote pour tout caler, car c’est très transversal. Il y aura une trentaine d’opérations à filmer», précise-t-il. Il est également prévu de tourner sur de vrais patients au rythme de douze à soixante tutoriels par an. Toutes ces vidéos s’ajouteront à un catalogue de deux cents vidéos dont une partie concerne les soins et est destiné aux infirmières et aux aides soignants. Pour les voir, il faut un casque de réalité virtuelle, à charge pour les universités de le proposer. Mais une application mobile couplée à un petit casque en carton muni de lentilles oculaires permet aussi leur visionnage. Il suffit de glisser son smartphone dans une fente du casque. Il se transforme alors en écran. Dans les deux cas, l’effet est assez bluffant : transporté dans le bloc opératoire, l’utilisateur est plongé au coeur de l’opération à travers les yeux des principaux acteurs.
